Accusations de fraude et de corruption jumelées au risque de fatigue électorale sur fond de tension avec les voisins, n’importe où ailleurs ceci aurait tendance à condamner un candidat électoral à l’échec. Mais la Terre Sainte n’a rien d’un environnement normal, à cheval sur ses trois religions et crises de voisinage à haut risque.
Ainsi malgré le concours électoral le plus serré depuis des années, Benjamin Netanya-hou a su préserver le poste de premier ministre qu’il a depuis 10 ans et enfilé un cinquième mandat, un record dans le pays hébreu.
Il faut dire que même si les éclats avec les Palestiniens de Gaza ont connu une recrudescence récemment ils s’étaient calmés au long des années, mais Bibi n’a rien fait pour avancer les efforts de paix. Lors des derniers jours de la campagne il a même promis d’intégrer les localités israé-liennes de Cisjordanie à l’état d’Israël, permettant à ce dirigeant de longue date, élu premier ministre la première fois en 1996, de remporter ce qui devait être son référendum personnel.
Car il s’agissait bien de choisir entre deux personnalités, Bibi et l’ancien dirigeant militaire populaire Benny Gantz, et non entre des plateformes de parti pas si différentes. Ceci dit la gauche est sortie de l’exercice plutôt affaiblie, laissant ses dirigeants incrédules sous le choc d'un rejet massif.
En remportant potentiellement 65 des 120 sièges du Knesset grâce à son système d’alliances de droite Netan-yahou deviendrait cet été un dirigeant dont la longévité dépasserait celle de l'illustre Ben Gourion, le premier dirigeant du pays.
Alors qu’associer son nom à celui du président américain peut paraître dommageable politi-quement dans plusieurs pays cela n’est pas le cas en Israël où Bibi a d’ailleurs couvert les rues d’affiches le montrant en compagnie du président, célébrant les liens étroits entre les deux pays, notamment après le déménagement controversé et peu imité de l’ambassade américaine à Jérusalem et la reconnaissance de la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan, sans parler des positions jumelles fermes envers Téhéran.
Netanyahou aura par ailleurs montré son étoffe de chef d’état en améliorant du coup les relations avec Vladimir Poutine, et même avec certains pays arabes qui, il n’y a pas si longtemps, applaudissaient les missiles scuds de Saddam Hussein lobés sur le territoire pendant la guerre du Golfe. Leur point commun: la menace iranienne.
Selon l’académicien de l’université de Tel Aviv Daniel Shapiro “le dialogue de Netanyahou avec Poutine est impressionnant, il a garanti la liberté d’action de frappe israélienne sur les cibles iraniennes en Syrie et avec l’aide des Russes a obtenu le retour du corps d’un soldat israélien tué sur le Champ de bataille“. Il a également tissé de nouveaux liens avec des pays musulmans entre autres sur le continent. “Qui d’autre mais quelqu’un avec son expérience, diront ses supporters, pourrait réussir autant sous de telles conditions? Pourquoi laisser le sort du pays dans les mains d’un nouveau quand il faut faire face à tellement de questions complexes?” ajoute Shapiro.
Mais d’autres n’y voient que du feu. Selon le haut responsable palestinien Saeb Erakat les Israéliens ont “dit non à la paix et oui à l’occupation” avec cet appel aux urnes. On attendait cependant le plan de paix américain qui devait garder ces minces espoirs de résolution en vie. Plânant sur la campagne malgré tout, la menace d’inculpations pour corruption et fraude qui pourrait vite rattraper le dirigeant du Likoud, sa victoire confirmant selon certains son petit nom de “magicien”.
“Les gens disent: on s’en fout s’il est corrompu ou pas, on s’en fout qu’il aurait accepté quelques cigares ou cadeaux, ce qui compte de mon point de vue c’est la croissance de l’économie et la sécurité,” analyse Erez Cohen de l’université Ariel. L’économie s’est d'ailleurs plutôt bien comportée lors de cette décennie de Bibi, croissant de l’ordre de 75%. Cette semaine le président Reuven Rivlin a donné le feu vert à la formation d'un gouvernement, processus qui pourrait s'étendre sur plusieurs jours.
"Je veux que toutes les parties de la société israélienne, Juifs et non-Juifs, fassent partie du succès appelé l'Etat d'Israël," déclara Netanyahou. Celui-ci a 28 jours pour former un gouvernement, qui donnera sans doute lieu à une coalition composée de certaines formations radicales et religieuses, ultraorthodoxes même. Or cette coalition pourrait être difficile à gérer à long terme, mais le dirigeant n'en est plus à son premier bal.
« C’est la cinquième fois que je suis chargé de former le gouvernement d’Israël. Il n’y a pas de privilège plus important dans la vie démocratique », dit-il. Puis l'Autorité palesti-nienne gardait plus ou moins la même couleur en affichant un nouveau gouvernement domi-né par les fidèles du président Mahmoud Abbas, et du coup préservant les profondes divisions entre des territoires dominés par le Fatah et une bande de Gaza à nouveau plongée dans la crise avec ces échanges de tirs récents, dominée par le Hamas. Ce dernier n'y a vu que du feu, dénonçant un «gouvernement séparatiste, sans légitimité nationale et qui amplifie le risque d’une rupture entre la Cisjordanie et Gaza ».
LIBYA IN TURMOIL, STILL